Les scènes où Alexander se trouve en Alaska sont tout au long du film opposées aux scènes où il est en compagnie d’autrui, où il mène une vie de vagabond conférant ainsi à cette ultime épreuve une importance toute autre. Ce contraste, accentué par des vues d’ensemble en plongées l’immergeant dans un vaste paysage sauvage, semble également signifier que dans son errance, bien qu’il eût certains obstacles à franchir, le niveau de difficulté a été moindre comparé à ce qu’il s’apprête à vivre. Dans son aventure, pour parvenir jusqu’à la Piste de Stampede, Alex a montré une certaine détermination à vouloir rejoindre cette terre isolée de toute vie humaine. Cette ancienne ruée vers l’or se révèle être, pour Alexander, un chemin vers la liberté absolue. L’isolement le conduit à vivre en autarcie dans cet écosystème régit par les saisons et apparaît comme la seule situation lui permettant d’acquérir une indépendance totale. La vastitude de la nature est mise en évidence à plusieurs reprises dans le film par des travellings optiques et des plans panoramiques immersifs révolutionnaires. D’autres plans tournant à 360° autour de l’expression contemplative d’Alexander face à la splendeur de cet environnement, illustrent cette perte de repères tant désirée.
Lors d’une exploration, Alexander aperçoit l’épave d’un mini-bus. Ce dernier apparaît en contre-plongée, depuis les yeux de l’aventurier, lui attribuant une dimension divine comme un cadeau venu du ciel. Il devient chasseur cueilleur et se nourrit de porcs-épics, d’écureuils, de lagopèdes et de baies sauvages. Dans une scène où il s’apprête à tirer sur une femelle élan, il hésite en s’apercevant qu’elle est accompagnée de son petit et baisse son fusil. Ces animaux ne sont alors pas considérés comme du bétail mais comme des entités, des êtres vivants qui ont eux aussi une famille. Dans une autre scène Alexander aperçoit un élan, cette fois-ci seul, il sursaute, est pris de panique, pointe son fusil, vise et tire à cinq reprises sur l’animal. Le sang est partout, le désastre se fait sentir. Ce véhicule est aussi source de résurgence du passé, dans une scène où Alexander est au volant et imite son père, figure d’autorité oppressante pour la famille. C’est également le lieu d’un évènement dramatique où Alexander, après avoir mangé une baie ressemblant fortement à une racine de pomme de terre sauvage et se retrouve en agonie. La caméra suit la progression de la maladie comme la ceinture qu’Alexander perce et resserre au fur et à mesure qu’il maigrit.
C’est après avoir lu un passage du livre(15) de Boris Pasternak où il s’arrête sur les termes « Par son vrai nom. », qu’il comprend son erreur. Dans une scène qui suit, il se trouve nez à nez avec un ours, est squelettique, faible, et reste tétanisé tandis que l’animal prend figure de domination, de puissance. Il mobilise ses dernières forces pour écrire d’une main tremblante dans le même livre qui lui a révélé son erreur « Le bonheur n'est réel que partagé. »
Lorsqu’il regagne le mini-bus, il se nettoie, s’habille, s’allonge et regarde le ciel, il pressent sa mort. Un plan effectue une transition entre son nom d’emprunt gravé sur le bois et son dernier mot d’adieu signé Christopher Johnson McCandless illustrant ainsi son rattachement à sa famille dans ses derniers instants de vie. Des battements de cœur viennent annoncer sa mort prochaine, la caméra tourne autour de la dernière expression de Chris et dans un dernier soupir, il imagine son retour auprès de sa mère et de son père. Il se voit beau, propre, à l’image de ses parents, souriant, les bras ouverts et les étreindre. Il ne regrette pas sa place de prisonnier dans ce corps et dans cette nature environnante puisque selon lui, il assiste au meilleur spectacle qui soit, un ciel et un soleil étincelant. La caméra s’éloigne petit à petit au rythme de la musique pour donner une dernière image de l’acte accomplit par Christopher, perdu au milieu de l’immensité d’une nature sauvage.