L'histoire de la pomme de terre (Solanum tuberosum) commence avec celle des Amérindiens qui vivaient il y a plus de 10 000 ans dans la zone côtière de l'actuel Pérou et au sud-ouest de l'Amérique latine. Ces chasseurs-cueilleurs du Néolithique ont doucement appris à la domestiquer et à traiter ses propriétés toxiques. Il y a 8 000 ans, sur l'Altiplano andin, dans la région du lac Titicaca, cette domestication a abouti à des pratiques rationnelles de culture et de conservation.
Au xvie siècle, à l'arrivée des Conquistadors lors de la colonisation espagnole des Amériques, la pomme de terre, avec le maïs, est à la base de l'alimentation de l'ensemble de l'empire Inca et des populations vivant dans les régions voisines. Après leur découverte par les Conquistadors, les tubercules sont embarqués à bord des galions comme vivres de soute, et les explorateurs du « Nouveau Monde » les débarquent dans les ports d'Espagne et d'ailleurs. De là, la pomme de terre part à la conquête de l'Europe et du monde.
Sa conquête du territoire européen s'accélère alors, poussée dans les campagnes par les famines et les guerres. Pour l'aider dans cette conquête, sa diversité allélique naturelle lui permet de rapidement adapter son horloge circadienne aux saisons et aux climats des latitudes du « vieux continent ». La pomme de terre devient le principal soutien de la révolution industrielle, offrant une nourriture économique aux ouvriers toujours plus nombreux à se presser dans les villes, au plus près des usines.
À la fin du xxe siècle, la pomme de terre conquiert la planète entière sous l'impulsion du centre international de la pomme de terre.
La pomme de terre est originaire des Andes où elle a été domestiquée et cultivée depuis l'époque néolithique dans la zone côtière de l'actuel Pérou, à la fin de la dernière période glaciaire alors que l'Altiplano était encore en partie recouvert par les glaces.
Dans les grottes de Tres Ventanas situées à 2 800 mètres d'altitude dans le canyon Chilca à 65 km au sud-est de Lima, ont été mis au jour les plus anciens restes de tubercules de pommes de terre cultivées datant de environ 8000 av. J.-C. On y a aussi découvert des spécimens de haricot, haricot de Lima, piment, oca et ulluque.
Des découvertes similaires ont été faites sur des sites archéologiques situés le long de la côte péruvienne, depuis Huaynuma dans la vallée de Casma (région d'Ancash, à 360 km au nord de Lima), jusqu'à La Centinela dans la vallée de Chincha située à 200 km au sud de Lima.
Un spécimen de Solanum maglia, espèce de pomme de terre sauvage, datant de 13000 av. J.-C., a été identifié sur le site archéologique de Monte Verde, près de Puerto Montt dans le sud du Chili. Surement consommée mais non cultivée, elle est la plus ancienne espèce connue ayant pu servir à l'alimentation humaine. Cette découverte tend à confirmer cette région comme étant le berceau de la pomme de terre.
côtière connaissait un climat de plus en plus aride, c'est sur l'Altiplano, autour du lac Titicaca, chez les Tiwanaku que la domestication de la pomme de terre a vu son premier accomplissement, par la rationalisation d'un processus de détoxification permettant de faire baisser les taux de glycoalcaloïdes présents naturellement dans la plante, notamment celui de l’α-solanine, toxique pour l'homme et présente en grande quantité quand le tubercule se développe en altitude : les glycoalcaloïdes lui permettant de résister au gel. C'est en perfectionnant vers 1500 av. J.-C. ces techniques de conservation, mises en pratique depuis plus de 4 000 ans par les peuples de l'Altiplano et consistant en une suite d'opérations de lessivage, de séchage au soleil puis de congélation dans la glace, que les agriculteurs Tiwanaku sont parvenus à cette rationalisation : le lessivage et le séchage faisant baisser les taux de solanine, et la cuisson des pommes de terre congelées ceux des inhibiteurs de protéinase et lectines nuisibles à sa digestion par l'homme et les animaux. Les Quechuas pratiquent encore de nos jours des techniques de conservation de la pomme de terre similaires, le Chuño, aux propriétés également détoxifiantes.
C'est aussi dans les Andes, que l'on observe encore aujourd'hui la plus grande variabilité génétique des espèces et variétés de solanées tubéreuses, avec plus de cent espèces sauvages et plus de 400 variétés indigènes de pommes de terre cultivées.
Les poteries ayant pour thème la pomme de terre, découvertes dans la région, témoignent de l'importance qu'a pu revêtir sa domestication pour les cultures qui s'y sont succédé. Ces poteries, qui s'échelonnent du iie siècle au xvie siècle, de l'ère Nazca à la fin de l'ère Inca, figurent les tubercules de manière très réaliste, puis celles-ci évoluent jusqu'à prendre la forme de créatures humaines ou animales, sur lesquelles sont toujours représentés les « yeux » des pommes de terre de façon de plus en plus stylisée.
Au sud du Pérou, à Cuzco, à l'arrivée des Espagnols qui ravagèrent la ville en 1534, la plantation des papas faisait l'objet d'une cérémonie rituelle. Les grands prêtres du temple du Soleil en ordonnaient la plantation, au commencement de la saison des pluies, lorsque les premières pousses de maïs, semés en septembre, atteignaient un centimètre. Les hommes creusaient le sol avec la chaquitaclla, outil agricole encore en usage aujourd'hui dans les Andes, et les femmes plantaient les semences. Au cours d'une cérémonie publique qui rassemblait toute la population : des lamas étaient sacrifiés pour s'attirer la bienveillance de Axomama, la déesse mère des pommes de terre très vénérée dans le panthéon des dieux incas. On y dansait et on y buvait de la chicha pour fêter l'arrivée de la pluie. Les papas étaient récoltées en juin.